Ce petit mot pour partager avec toute l'équipe ce que nous avons vu en Finlande.
Sur place, nous avons eu droit à une information sur le système finlandais dans son ensemble, et une information sur l'histoire de l'enseignement et de son évolution dans le pays. Nous avons visité un centre dont la vocation est de prendre en charge des élèves avec difficultés d'apprentissage, des handicaps, et des problèmes comportementaux, mais également d'apporter de l'aide à d’autres écoles pour y soutenir des élèves en difficulté ou pour former des enseignants.
Nous avons visité une école ordinaire (tronc commun), une école d'enseignement spécialisé, et reçu une information détaillée sur la formation initiale des enseignants à l'Université de Oulu, capitale du Nord de la Scandinavie. Nous avons rencontré des enseignants de niveaux différents, des directions, des professeurs d'université. Entre nous, nous avons analysé le système collectivement, mais aussi par école, ou séparément, les enseignants entre eux, les directeurs entre eux, pour retenir les bonnes idées transférables et les diffuser chacun dans notre école, mais aussi dans notre réseau d'enseignement, dans la presse et à nos responsables politiques.
L'objectif global de notre visite état de répondre à la question suivante : comment font-ils en Finlande pour être aussi performants dans les tests internationaux, tout en minimisant les écarts entre les performances des élèves, et donc, très concrètement, comment font-ils pour aider les élèves en difficulté, alors qu'ils ne pratiquent pas le redoublement ?
Pour ma part, je ne prétends pas répondre à cette question ici et maintenant, je tiens juste à vous en toucher un mot à chaud. Dans les grandes lignes, je retiens ceci : lorsqu'on les interroge sur les raisons de leur succès, les finlandais nous ont dit, avec beaucoup de retenue et de modestie, qu’ils avaient des professeurs de très haute qualité. Ils sont fiers de leurs écoles, de leurs enseignants, et de leurs élèves.
Tout élève qui sort de l'enseignement secondaire ne peut pas devenir enseignant en Finlande : un examen d'entrée sélectionne les meilleurs candidats. Tous les candidats enseignants reçoivent la même formation de base, puis se spécialisent. Pour donner une idée de l'ampleur de la sélection, à l’Université d'Oulu, une centaine de candidats ont été acceptés cette année pour environ 1400 candidatures. L'examen d'entrée porte sur du savoir-être et des savoirs. N'importe qui ne peut pas devenir enseignant, et il faut montrer une forte motivation pour ce métier. Il y a donc une visée claire de l'état qui considère que les enseignants sont la clé d'un système éducatif de qualité. Tout est donc fait pour les sélectionner soigneusement, les former de manière performante, non seulement en formation initiale, mais tout au long de leur vie professionnelle.
Un second constat important : ces enseignants sont fiers et heureux d'être enseignants, ils sont portés par une très forte motivation, et ils croient en ce qu'ils font, dans leur pouvoir d’action : ils sont convaincus que leurs élèves sont capables, ils le leur font sentir, et ils obtiennent des résultats. Non seulement ils sont patients, bienveillants, accueillants, mais ils sont persuadés que la relation bienveillante envers l'élève est la clé d'une approche réussie.
Le troisième constat découle des deux premiers mais est au cœur de tout le système et il tient en deux mots : liberté et confiance. Le système finlandais se donne les moyens d'attirer les étudiants les plus brillants et les plus motivés, il les forme, mais ensuite il leur fait confiance, il les laisse libres de leurs méthodes, approches, supports pédagogiques. Le système s'assure de la qualité de l'enseignement, non pas en le contrôlant, mais en le pilotant, ce qui signifie que les écoles ne sont pas inspectées mais conseillées, guidées. En deux mots, les écoles sont responsabilisées, et non infantilisées. Ce climat de travail prévaut donc dans tout le système, dans son pilotage, dans le chef des directions d'école, des enseignants, et des élèves. Et donc, étrangement, ce système où l'évaluation chiffrée n'intervient que très tardivement, où on travaille moins de matières différentes, où on ne double pas, où le programme n'est pas à voir au pas de charge, où on ne renvoie pas un élève, est un des plus performants du monde, et ce depuis de nombreuses années.
Je refuse de croire qu'il existe un système éducatif idyllique. Il n'y a pas de miracle, et donc si cela fonctionne, ce n'est pas par hasard, c'est parce que ce pays se donne les moyens de sa politique, c'est-à-dire qu'il met les moyens financiers, mais surtout qu'il affecte les moyens là où il faut les mettre.
Un simple exemple : s'il faut mettre plusieurs personnes pour encadrer une classe, il y aura plusieurs personnes, mais toutes ne seront pas nécessairement des professeurs. Dans une classe d'enseignement spécialisé, le professeur avait deux assistantes. L'une d'entre elles était une jeune fille de 18 ans, qui venait d'être diplômée. Après le tronc commun qu'elle avait terminé à 15 ans, elle avait suivi 3 ans de secondaire supérieur afin de devenir assistante. Son travail consistait à encadrer l'élève, à sortir de la classe avec lui s'il ne se sentait pas bien, à lui expliquer la consigne, à l'aider à réaliser les tâches, tout cela, sous l'œil attentif de l'enseignant. Comme si une élève qui termine une 6e technique sociale chez nous pouvait, à la rentrée suivante être engagée dans une école primaire ou secondaire, et assister l'enseignant.
On le voit, là où il y a des besoins, les finlandais mettent des moyens, mais ils ne vont pas payer un second professeur pour jouer un rôle d'assistant. Ils feront intervenir un second professeur, spécialisé, là où cela s'avère nécessaire, pas ailleurs. Cet exemple montre beaucoup de choses : le professeur a une aide adéquate dans sa classe, et peut s'occuper des élèves qui suivent plus ou moins bien, les deux assistantes s'occupaient tout de suite des élèves en difficulté, les élèves n'étaient pas livrés à eux-mêmes, n'avaient pas le temps de s'ennuyer ni de perdre confiance dans leurs moyens, ni de se dissiper. Considérés de la sorte, et ce n'est qu'un élément parmi tant d'autres, les élèves n'ont pas l'occasion d'accumuler des griefs contre l'école puisque tout y est conçu pour qu'ils apprennent dans les meilleures conditions. Et deux jeunes filles de 18 ans occupent un poste de qualité sans avoir fait de grandes études, mais cet emploi leur permettra d'engranger de l'expérience et qui sait, un jour, de s'engager dans des études supérieures. Qui est perdant dans ce système ?
Voilà donc quelques réactions à chaud, mais il y a beaucoup à dire, à contraster aussi avec ce que nous avions vu en Suède, mais ce qui compte pour moi, bien plus que les informations, c'est ce qu'avec nos moyens, nous pouvons mettre en place dans l'école, en nous inspirant des bonnes pratiques vues au cours de nos visites.
Luc Degrande